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Appelez-les o昀케ciellement Mesdames les bâtonnières !
les colonnes des Dernières nouvelles d’Alsace, certains membres du Conseil
de l’Ordre, des femmes d’ailleurs, estimaient également que cette distinction
entre avocat et avocate créait déjà une discrimination pour la femme et elles
ont voté contre à cause de cela… » Autrement dit : en inscrivant dans le marbre
du règlement la distinction entre les hommes et les femmes, on ne ferait que
renforcer les inégalités entre eux…
Certains membres du Conseil de l’Ordre, des femmes
d’ailleurs, estimaient également que cette distinction
entre avocat et avocate créait déjà une discrimination
pour la femme
Évelyne Duchesne, elle, pense surtout qu’il y a des débats beaucoup plus
importants aujourd’hui que celui-là. « Franchement, on s’est battues pour
avoir le même statut que les hommes, soupire-t-elle. Tout ça pour demander
le droit à pouvoir être appelé autrement ? Et puis, “Bâtonnière” est un mot inélégant. Cela ne veut rien dire. Ça fait un peu “poissonnière”, non ? »
Entre sonorité du terme et sororité des femmes, le débat ravive les souvenirs de Christiane Féral-Schuhl. « J’ai souvent entendu que ce mot n’était
pas joli. Que la Bâtonnière était forcément l’épouse du Bâtonnier comme
l’ambassadrice était, auparavant, celle de l’ambassadeur, explique-t-elle.
Mais, à l’étranger, cela fait des années que certains États l’ont adopté sans y
voir de souci. » Comme le Québec, par exemple. « Je me souviens de Claudette
Picard qui était Bâtonnière là-bas, abonde Julie Couturier. Et à tous ceux qui
osaient l’appeler “Madame le Bâtonnier”, elle rétorquait “Ah non, le Bâtonnier, c’est mon mari !” » La blague remonte aux années 1990. Encore quelques
années et elle n’aura plus lieu d’être… D’autant plus que si les femmes représentent déjà 55 % des avocats enregistrés dans les barreaux, elles sont surtout
aujourd’hui 70 % des étudiants qui aspirent à le devenir.
Vincent Vantighem
Journaliste, Grand Reporter justice
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