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Genre et discriminations dans la profession d'avocat
La deuxième forme de discrimination directe qui n’a pu être ignorée constitue une di昀昀érence de traitement portant atteinte à la dignité de la personne
du travailleur dans la profession d’avocat, mise en lumière par le déferlement
collectif de la vague #MeToo, mettant en exergue la di昀昀érence de traitement
que génère le harcèlement sexuel dans di昀昀érentes professions (notamment
le secteur professionnel du divertissement). C’est, en l’espèce, le cas du harcèlement sexuel et sexiste dans la profession d’avocat. Cette pratique qui sert
de moyen de domination des avocates et d’entrave à leur activité a pu être
exposée grâce aux conséquences de ces actes sur la situation des victimes.
Par exemple, dans l’a昀昀aire Bento devant le Conseil de discipline du 17 décembre 2019, les constantes remarques à connotation sexuelle d’un associé
sur les tenues, sur le physique des avocates stagiaires, sur les vêtements d’une
femme enceinte, sur la vie personnelle des stagiaires notamment, mettent les
femmes très mal à l’aise pour travailler en créant un environnement hostile,
d’après les entretiens des victimes. L’auteur nie l’impact de son comportement
sur l’ambiance de travail en qualifiant ses remarques de « blagues » menant
à un manquement avéré aux principes de la profession et notamment à une interdiction temporaire d’exercer.
Le résultat est
l’absence d’égalité
des chances dans
l’évolution des
rémunérations et
de la carrière des
femmes
Cependant, ces deux types d’exemples de discriminations directes
données sont presque l’arbre qui cache la forêt. En e昀昀et, tous les
autres risques de discriminations directes fondées sur le sexe, notamment liés aux contrats de collaboration, auraient dû être requalifiés en contrats de travail en raison des faits et présomptions du lien
de subordination qui caractérisait la relation de travail, de la possible
répartition inéquitable entre femmes et hommes des meilleurs dossiers clients, du refus de promotion, de la perte de chance de certaines femmes de devenir associées en raison notamment de l’e昀昀et
dissuasif des remarques sexistes ambiantes dans certains cabinets. Bref, le
résultat est l’absence d’égalité des chances dans l’évolution des rémunérations et de la carrière des femmes, devant parfois également jongler avec une
conciliation délicate de la vie professionnelle avec la vie familiale. Ce manque
de visibilité de ce type de discriminations directes fondées sur le genre dans
les cabinets d’avocats est plus subtil. Le peu de diversité des a昀昀aires serait
également dû à la peur de représailles des victimes de discriminations, à la
difficulté plus grande à prouver une combinaison de discriminations directes
et indirectes au sein des cabinets d’avocats. Les avocates elles-mêmes ne sont
pas forcément conscientes des phénomènes plus structurels de discriminations qui ne sont pas toujours liés à un seul acte discriminatoire identifiable,
mais davantage à un environnement hostile, à la participation optimale des
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