LEXMAG Numéro 01 VF 28.03.24 PAGES HD - Flipbook - Page 66
LIFESTYLE
Portrait
[Lexbase] Tu es avocate en droit du travail,
pourquoi avocate ? C’est une vocation ?
Et le droit du travail un choix ?
[LXB] Qu’est-ce que tu aimes et ce que tu
n’aimes pas dans ce métier ?
[Julie Jean-Setton] Oui, la vocation est arrivée
parole de ceux qui n’arrivent pas forcément
à se défendre, le porte-voix de la partie faible
dans les rapports de force. Dans le monde du
travail, c’est à mon sens clairement le salarié,
en raison du lien de subordination et la dépendance économique auxquels il est soumis, et
qui sont intrinsèques au contrat de travail.
C’est très gratifiant de pouvoir aider à rétablir un
semblant d'équilibre dans ce rapport de force.
[J.J-S] J’aime défendre et j’aime être la
assez tôt, vers mes 15 ans. Lorsque j’ai compris
que mes notes en maths et en sciences ne me
permettraient pas d’être botaniste, un rêve un
peu fou que j’avais enfant (rires), j'ai réalisé que
j’étais plus littéraire et qu’une filière en ce sens
me correspondrait mieux.
Le droit m'est alors venu rapidement, car je
me suis rendue compte que j’ai toujours pris
plaisir à prendre la défense des gens quand
ils étaient en con昀氀it ; que ce soit mes proches
ou mes amis. Cela aurait pu m’orienter vers le
métier de juge, mais c’était le côté défense qui
me plaisait, c’est donc tout naturellement que
l'avocature s’est imposée à moi.
Ce que je n’aime pas, comme beaucoup
d’avocats, ce sont les délais toujours plus longs
devant les juridictions en raison d’un manque
de moyens chroniques pour lequel les gouvernements successifs n’ont apporté aucune
réponse. Aujourd’hui, ça revient à faire des
dénis de justice et ça n’est pas normal. Cette
situation génère des actions en responsabilité
contre l’État, on ne devrait pas en arriver là.
[LXB] Et pourquoi le droit du travail ?
[J.J-S] Alors le droit du travail vient de mes
parents qui sont tous les deux médecins du
travail et qui m’ont assez tôt transmis cette
fibre sur les conditions de santé et de sécurité
des salariés au travail. J’ai aussi eu un coup
de cœur à la Fac pour cette matière. D’autant
que le travail est au cœur de la vie des gens.
Quand ça ne va pas au travail, il n’y a rien qui
va ; ça impacte le perso ; l’inverse est moins vrai
d’ailleurs.
Et puis particulièrement, en droit du travail,
ce qui me frustre c’est le manque de formations
des conseillers prud’homaux, qui ne sont ni
magistrats, ni même juristes de formation,
dont les décisions souvent incompréhensibles
et sans fondement génèrent bien des questionnements. Il n'y a pas de raison pour que
les con昀氀its autour du contrat de travail soient
tranchés dans de telles conditions. J’appelle de
mes vœux comme mes consœurs et confrères
travaillistes une réforme de cette juridiction.
C’est vrai que je me sens très utile lorsque j’arrive à résoudre les con昀氀its que peuvent avoir
les gens au travail. Aujourd’hui cette passion
s’est renforcée par la pratique et par le fait aussi
de partager cet univers avec mon mari qui
exerce également en tant que juriste dans cette
branche du droit. Nous nous sommes d'ailleurs
rencontrés dans un groupe de travail d’une
association qui portait sur les inégalités salariales au travail.
[LXB] Cette passion d’illustrer d’où vient-elle ?
[J.J-S] Elle vient de ma grand-mère qui est
artiste amatrice et qui, sans en faire son métier,
continue à 87 ans de peindre. C’est vraiment
une passion qu’elle m’a transmise très jeune,
elle m’a tout de suite mis des pinceaux entre les
mains en disant « vas-y, éclate-toi ! ».
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